Ce que vous voyez n’est que le miroir de votre âme.
Mon travail, quant à lui, s’attache à restituer dans l’image la part d’invisible et de transcendance qui lui était originellement dévolue. En effet, l’image – religieuse en particulier – était le simulacre de quelque chose qui la dépassait et qui était irreprésentable : un être disparu, un évènement advenu, une idée, une essence, une réalité inconnaissable par la vue. L’image avait en ce sens à la fois une dimension profane et sacrée.
L’utilisation de la photographie numérique me permet de composer des images à partir d’une réalité que je manipule pour créer des tableaux de facture hyperréaliste. Le souci du détail, quasi maniériste, aboutit à un résultat auquel la peinture ne saurait parvenir car elle ne peut intégrer le produit technologique. Lorsque la mise en scène n’a pas été possible en une même prise de vue, le photomontage, le travail de la lumière et de la perspective sur ordinateur me permettent de mettre en présence des éléments réels et des éléments fictifs, et de cette rencontre naissent des scènes fantastiques.
Présence de l’absence.
Néanmoins, quelque chose frappe lorsque l’on regarde l’ensemble de mes tableaux : d’aucuns d’entre eux ne se dégage un « message » unique qu’il soit marchand, social, politique, religieux ou même philosophique.
Ils adoptent un langage qui s’adresse davantage à l’imagination, c’est-à-dire à la faculté de produire des images mentales ou de reconnaître des éléments iconographiques déjà vus. Mais quelque chose dans les tableaux sollicite, en deçà de l’imagination, les sentiments et l’intuition : ce n’est pourtant pas ce que l’on peut y voir, qui semble appréhendable par l’imagination, c’est bien quelque chose au-delà de l’image.
Une chose est sûre : le contraste entre le réalisme formel de ce qui est présenté et l’absence de toute référence contextuelle à notre réalité prosaïque invite le spectateur à chercher la source du sens non pas dans ce que l’image montre, mais dans ce qu’elle ne montre pas. En effet, les lieux symboliques que je mets en scène sont avant tout des espaces mentaux. Ces scènes désolées et mystérieuses, ces lieux éloignés de pouvoir – puisque nous y sommes assujettis – sont le cadre, ou plutôt le champ allégorique, dans lesquels les principes de vie et de mort se confrontent et s’embrassent dans une danse fatale qui transcende l’image : soit précédent, soit suivant la scène visible, soit hors- cadre, soit visible par défaut de visibilité, ou encore dans un horizon fuyant, mais toujours suggérée par une esthétique du clair-obscur, la source de cette agonie – du grec agônia, « lutte » – est au-delà de l’image.
Je souhaite que chacun puisse faire l’expérience du Mystère, une expérience de dépouillement absolu.
C’est un sentiment que certains compareront à la foi religieuse, mais celui-ci ne nécessite pas de trouver, seulement de chercher. Il est donc accessible à tous, et surtout à ceux qui doutent. Il peut provoquer le vertige et la terreur, mais laissez entrer ces facteurs d’anéantissement, et le Mystère ouvrira l’univers en vous. Vous ne serez plus jamais seuls.
Vivien Racault, extrait du catalogue d’exposition « Mystères »