Des fleurs sous la varangue

L’éducation artistique et culturelle en milieu scolaire est l’une des missions de l’Artothèque qui, sachant la qualité et le sérieux de son travail ainsi que son engagement, a choisi de confier à l’artiste photographe Annie Decupper d’initier les adolescents du Collège Le Bernica (Saint-Paul) aux techniques et à l’histoire de la photographie.

Cette rencontre entre l’artiste et les collégiens désireux de suivre cette formation s’est déroulée de février à juin 2014 et a enthousiasmé les jeunes et leur famille car elle accordait une attention particulière aux liens qui unissent les générations entre elles et la transmission qui en découle.

Cette exposition : « Des fleurs sous la varangue » rend compte du travail réalisé entre l’artiste, les collégiens et leurs parents mais aussi de l’intimité des familles et la poésie des gestes quotidiens que les jeunes photographes ont choisi d’évoquer.

Les photographies de Annie Decupper nous révèlent, quant à elles, un autre côté de la photographe qui cette fois se lance dans une photographie en couleur pour souligner les moments enchanteurs de ces rencontres sous la varangue fleurie.

Lors d’une précédente résidence artistique au collège La Chataire (Le Tampon) en 2010 Annie Decupper a effectué un travail sur l’adolescence à partir d’un lieu, d’un portrait, d’un objet choisis par les collégiens. La photographie leur a permis de s’exprimer, de révéler une forme d’intimité bien au-delà des mots. Les images étaient présentées sous la forme d’un triptyque et exposées à la Médiathèque du Tampon sous le titre : « Secrets ».

Poursuivant ce travail sur l’adolescence et l’intime, elle a proposé une réflexion sur la relation entre adolescents et parents/grands parents à cette période de l’existence où le lien avec les adultes plus âgés est souvent perturbé et les échanges difficiles. A travers une production visuelle en photographie elle a offert aux collégiens la possibilité de recréer ce lien. Le défi que relève l’approche intergénérationnelle est de créer une atmosphère, de transmettre les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les savoir-vivre ensemble.

Cette proposition photographique permet d’instaurer une relation inter active de l’artiste avec les collégiens, basée sur l’échange, le faire l’un pour l’autre. Les élèves ont aidé l’artiste à réaliser les portraits : accrochage et installation du fond photo, réflecteur. De son côté elle leur a transmis son savoir afin qu’ils puissent accomplir au mieux leurs propres images. Tout ce travail est lié à l’échange entre être humain d’âges différents : adolescents, photographe, professeurs, parents, grands-parents.

Annie Decupper s’est inspirée de la photographie africaine des années 1950. Elle a choisi de travailler en lumière ambiante, sous la varangue avec un fond photo plutôt kitch qui symbolise la bulle intime et délimite tout environnement. La pause académique est empruntée à ces photographies anciennes mais il se dégage de ces images un sentiment de légèreté et l’évidence de cette relation intergénérationnelle.

L’Artothèque se félicite de l’aboutissement de ce projet en partenariat avec l’Académie de La Réunion et propose une exposition de ces recherches artistiques du 28 juin au 21 septembre 2014.

Première Bulles de rêve

Comme des bulles s’échappant d’une vie linéaire, les rêves ouvrent les portes vers d’autres soi-même, d’autres existences ; drôles parfois, extravagantes sûrement et quelques fois sombre.

Tous ces rêves sont créateurs et impriment à la conscience des images, des mots, des sentiments qui nourriront et participeront à la construction souvent de la vie ordinaire, quelque fois d’œuvres artistiques, d’un coup de génie scientifique ou bien simplement de la vision d’un évènement qui se réalisera plus tard.

Ces rêves prémonitoires signent un lien entre un univers invisible et la réalité quotidienne, entre l’au-delà et le monde qui rassemble les êtres sur terre. L’origine divine des rêves s’inscrit dans toutes les civilisations. Même à l’époque moderne ces croyances perdurent.

Au début du XXème siècle, l’interprétation des rêves déterminera la recherche des grands psychanalystes Freud et Jung qui y voyaient une porte ouverte vers l’inconscient. Fort de ces études scientifiques, les artistes liés au mouvement surréaliste ont prôné la toute puissance de cette autre réalité qui conférait au rêve une supériorité face à la raison. De même, chez les chamanes du monde entier ces évasions nocturnes sont source d’inspiration dans la vie de tous les jours.

Cette porosité entre le rêve et la réalité se vérifie partout et aussi à la Réunion. L’île de l’Océan Indien, à la croisée des peuples européens, africains et asiatiques a engendré un syncrétisme religieux source de mythes et légendes vivaces, issues de l’imagination ; souvent sombres, ils cristallisent toutes les peurs. Au fils du temps des faits divers vont se muer en mythes et de nouvelles légendes vont se forger au détour d’une route, d’un bassin ou d’autres lieux imprégnés d’une histoire fatale.

De ce corpus lié à l’histoire de la Réunion, analysé sous leurs différentes versions, compilé et étudié, Genathena y trouve le prétexte à ses recherches plastiques. L’artiste y puise la matière qui nourrit son intérêt pour le rêve, le rêve enchevêtré dans le réel, voire comme élément constitutif du réel. La toute puissance du rêve comme marqueur de la réalité.

Cette réalité souvent dramatique suppose un dessin sombre simplement ponctué de couleurs. Dessin aux traits fin ondulants et souples où alternent des lavis aux tons fris et pastel. Des œuvres curieuses où le merveilleux et le poétique côtoient l’effroi et les figures inquiétantes dans un flot d’encre de Chine dense qui couvre le support de papier et laisse libre court à l’imagination.

1 Daniel Honoré- Légendes créoles- 2002- Ed. UDIR

Chacun de ces dessins figuratifs nous plongent dans un univers onirique et fluide d’où surgissent des formes étranges et chimériques qui créent une tension subtile parfois, mais où l’épouvante submerge ailleurs.

Les tâches éclaboussées, les bulles d’encre ou aquarellées s’engrainent sur l’ensemble des œuvres graphiques et son rendu par les ballons dans son travail photographique. Ces petites sphères légères s’élèvent, virevoltent et pétillent autour d’animaux effrayants ou de scènes tragiques ; elles semblent se rire des drames qui se jouent et quelques fois s’en nourrir ou bien en émaner directement.

Comme ces bulles que forment les rêves, échappés du psychisme, celles dessinées par l’artiste semblent surgir des drames humains pour grossir l’imaginaire collectif et enfanter des mythes et des légendes.

Calmes ou déchaînées, ruisselantes et entraînantes les eaux embrassent toutes les scènes. La fluidité de l’eau convient aux légers et caressants lavis de l’artiste mais sert aussi l’atmosphère vaporeuse des scènes représentées qui fluctuent entre le réel et l’imaginaire. La finesse des lignes que dessinent les cheveux, expressions extérieures des pensées, ces chevelures mystérieuses qui enlacent et traversent toute son œuvre, sont autant de traits qui unissent des univers parallèles.

L’ensemble des œuvres de Genathena nous plonge dans les méandres sensuels et enchanteurs du rêve tant dans son travail graphique que photographique qui flirtent avec les mangas et dessins animés.

Des esprits charmants ou angoissants et autres créatures aux formes et consistances diverses grouillent, se meuvent, enflent et glissent et glissent avec fluidité. Ils menacent des êtres humains réduits à leur fragilité, tels des peluches désarticulées et douces soumises au grappin grinçant et gigantesque comme dans les fêtes foraines. Les lignes souples s’enchevêtrent et se tressent dans un corps de sirène, s’enroulent et se transforment en scorpion menaçant et s’emmêlent à la croisée des chemins.

Cette exposition saturée de rêve fantasmagorique est constamment parcourue d’un frisson d’angoisse que la poésie des univers enchantés vient adoucir.

C’est le dessin que Genathena a choisi comme pratique artistique mais elle ne se limite pas à la plume et à l’encre, la photographie lui permet une approche différente dans sa recherche sur le rêve, les mythes et légendes qu’elle étend dans le temps et l’espace vers des régions plus lointaines comme la Grèce, réservoir particulièrement fécond dans le domaine de la mythologie.

On y retrouve les bulles, la porte, le miroir, la grotte, le champignon, autant de points d’entrée dans l’univers onirique, fabuleux et mystérieux que l’artiste a exploré dans toutes ses profondeurs.

Caroline de Fondaumière, Historienne de l’Art, extrait du catalogue « Bulle de rêve », 2014

Chemin faisant

C’est à partir des photos de Charles Delcourt et David Lemort qui naît l’envie de faire une exposition mettant à l’honneur l’homme dans son environnement, en l’occurrence La Réunion. La multitude des liens qui nous unit à notre milieu laissait présager une grande diversité d’expression artistique. L’exposition collective s’est ainsi imposée.

C’est par la promenade que petit à petit, chacun des artistes exposant s’est emparé de ce sujet pour nous restituer des fragments de vie, comme autant d’histoires possibles.

Une silhouette se déplace à la lisière d’une ombre, celle du Piton de la Fournaise au petit matin. La course du soleil impose son rythme et son chemin. Pour Yohann Quëland de Saint-Pern, cette promenade, réduite à son expression mécanique la plus simple, devient déplacement. La plaine de Sables, image emblématique de La Réunion, devient espace. Bordé sous l’angle de la phénoménologie, le déplacement interroge la conscience que nous avons d’être au monde, tandis que la marche de l’Homme, tout à la fois soumise et révélatrice du milieu, pose la question de notre interdépendance à l’environnement et d’un équilibre avec celui-ci.

Une question universelle à laquelle Charles Delcourt, David Lemort et Laurent Zitte apportent leur témoignage.

Charles Delcourt et David Lemort s’offrent une promenade, un tour de l’île par le littoral. L’un arrive tandis que l’autre repart après 7 années passées à La Réunion. À la manière d’un protocole expérimentale, le parcours est imposé, les actions sont définies au préalable. L’un photographie la route, l’autre les abords.

Même si c’est de l’intérieur que ce petit bout de terre déploie toute sa grandeur, faire le tour de l’île reste une expérience physique émotionnelle. Une promenade à la frontière de l’intime et de l’infini, de la limite physique vers l’évasion spirituelle, de l’intérieur vers le large. Charles Delcourt et David Lemort recomposent cette dualité dans des diptyques où le noir et blanc s’opposent à la couleur, les points de fuites aux plans serrés, l’instant qui file à celui qu’on suspend. Autant d’images volées au passage qui constituent le prologue d’une intrigue réunionnaise à découvrir.

Impressions donc plutôt qu’imprégnation, à partir de cette route qui veut contenir toute La Réunion mais qui régulièrement se laisse déborder par les velléités d’un volcan ou d’un océan déchaîné. Une route au bord de laquelle se figent des instants insolites, où le déferlement des voitures côtoie tout à la fois la légèreté d’un pique-nique, quelques cabris en pâture, un esprit qui s’évade…

La promenade, celle des artistes, est prétexte à un exercice photographique formel et esthétique. Les images prises sur le vif n’en témoignent pas moins d’une Réunion en prise aux transformations et à ses contradictions.

Laurent Zitte, immobile, traque l’instant décisif, celui qui compose l’image d’un seul clic et nous laisse tout entrevoir d’un clin d’œil !

C’est par exemple ce chat, aperçu au rebord d’une fenêtre ouverte sur les champs. Le papier peint tout autour exhibe une myriade d’oiseaux, entremêlée à une décoration florale, comme pour nous faire partager le rêve éveillé du félin…Rêve d’une évasion bucolique qui passe comme un souffle, trace une ligne imaginaire d’un personnage à l’autre, passe dans la série Maison, Chemin bœuf mort. À l’inverse de l’image unique composée, le mouvement s’étire d’une photo à l’autre. La trajectoire décomposée puis recomposée par la photo se lie comme un film, se découvre dans un espace physique.

Embusqué pour observer son sujet, le photographe semble mener une étude minutieuse, quasi sociologique. Sociologie aussi la de photo, dont la mise en scène témoigne ici du chemin parcouru depuis le pictorialisme du XIXe siècle.

Puis enfin, Jean Legros, promeneur inconditionnel qui sillonne La Réunion, Leica en main, une cinquantaine d’années avant nos jeunes artistes. Parmi toutes les images qu’il rapporte, la thématique de la promenade est riche d’histoires. Histoire d’une passion dans premier temps, celle de ce photographe amoureux de La Réunion, histoire d’une époque archaïque, celle des chaises porteuses, ou d’une époque éclairée, celle du chemin de fer, aussi.

Déplacement pour les uns, promenade pour d’autres, l’homme en mouvement dans son environnement n’a de cesse de construire son histoire, l’artiste de la raconter et nous de l’observer.

Laetitia Espagnol, extrait du catalogue « Chemin faisant », 2009

Zombri

Fred Theys a aujourd’hui 37 ans. Lauréat d’un DEA en Informatique et Intelligence artificielle en 1997 rien ne le prédestine à une carrière artistique, si ce n’est une grande sensibilité et une recherche permanente de liberté dans sa façon d’être au monde. Les aléas de la vie pousseront Fred Theys à canaliser sa sensibilité dans la création artistique pour, petit à petit, s’inventer un nouveau chemin. Très tôt passionné par l’art, il passe beaucoup de temps à étudier les œuvres et les écrits d’artistes aussi divers que Dubuffet, Antonin Artaud, Picasso, Dali, Basquiat, Ousmane Sow ou Anselm Kiefer.

La liberté d’expression qu’il découvre dans l’art, plus particulièrement dans les œuvres d’Art Brut, sera pour lui décisive. Après une longue période d’imprégnation, il commence à peindre en 2003.

Artiste prolixe, ses premières toiles sont un exutoire. L’acrylique lui permet de travailler dans la spontanéité et la rapidité, par couches superposées. La couleur structure ses compositions et redonne un équilibre à sa vie. D’expérience en expérience, l’apprenti sorcier fait ses armes et acquiert une maîtrise de son art. Liberté, intuition et sincérité guident son élan créatif sur de grandes toiles.

Dans les premières œuvres ici présentées (2007), les couleurs vives et les compositions aériennes dégagent d’emblée une sensation de légèreté enfantine. Mais si notre esprit se laisse aller à cette douce invitation, notre chair bientôt souffre de voir ces corps qui s’effacent, se dispersent ou se déchirent. Hésitations … Ces êtres qui tantôt prenaient leur envol semblent maintenant trébucher.

Puis apparaissent les Zazous, comme une respiration.

Les Zazous murmurent à l’oreille de l’artiste cette mystérieuse continuité entre l’individu et la nature. Compagnons des Hommes distraits, initiés à la contemplation oisive et hasardeuse, ils sont là où on ne les attend pas, au détour d’un chemin, dans le creux d’un arbre, au revers d’une feuille …

Les Zazous disent une façon d’être. La pertinence de leur mode de vie, adapté au milieu qu’ils occupent, nous interroge sur notre relation et notre place dans l’environnement. Lorsque l’artiste revient à ses toiles, fort des murmures des Zazous, c’est pour explorer un peu plus ces correspondances entre corps et matières.

« La toile de jute représente pour moi le tissu interne du corps humain. J’y colle des résidus de matières, comme des traces du passé. Enfin je recouvre le tout de papier de soie, une peau fragile et douce. Puis arrivent les matières naturelles, lavées de leur contenu, sur des teintes brou de noix … Ce processus, qui n’est pas étudié en fonction de sa symbolique, se construit instinctivement. C’est presque dans un état de transe, sinon d’extrême sensibilité que je parviens à l’œuvre aboutie. »

Les teintes naturelles, plus douces, remplacent alors les couleurs vives et acides. Les fleurs, les regards, les mains tendues et bras agrippés qui racontent nos liens et nos attentes, disparaissent. La question de la liberté, toujours centrale, quitte le champ de la sociologie pour celui de la métaphysique. C’est notre immanence au monde qui est interrogée. Les corps libérés se dessinent dans la poussière, s’assimilent à la fragilité et l’insignifiance du grain de sable, redeviennent matière. L’artiste explore nos racines les plus profondes, au milieu des fibres, dans la terre et la boue ; cette orgie d’où nous venons et à laquelle nous retournerons, pour ne laisser que la matière brute, seule réalité irréductible.

L’art de Fred Theys est l’expérience spontanée d’un artiste dont le corps et l’esprit sont tout ouvert au monde. Sorties de toutes codifications de l’Art Contemporain, ces œuvres sont aussi une expérience directe vers le public. Pour nous qui présentons ce travail avec grand plaisir, il s’agit de faire un pari, celui de l’émotion.

Laetitia Espanol

Première Mystères

Ce que vous voyez n’est que le miroir de votre âme.

Mon travail, quant à lui, s’attache à restituer dans l’image la part d’invisible et de transcendance qui lui était originellement dévolue. En effet, l’image – religieuse en particulier – était le simulacre de quelque chose qui la dépassait et qui était irreprésentable : un être disparu, un évènement advenu, une idée, une essence, une réalité inconnaissable par la vue. L’image avait en ce sens à la fois une dimension profane et sacrée.

L’utilisation de la photographie numérique me permet de composer des images à partir d’une réalité que je manipule pour créer des tableaux de facture hyperréaliste. Le souci du détail, quasi maniériste, aboutit à un résultat auquel la peinture ne saurait parvenir car elle ne peut intégrer le produit technologique. Lorsque la mise en scène n’a pas été possible en une même prise de vue, le photomontage, le travail de la lumière et de la perspective sur ordinateur me permettent de mettre en présence des éléments réels et des éléments fictifs, et de cette rencontre naissent des scènes fantastiques.

Présence de l’absence.

Néanmoins, quelque chose frappe lorsque l’on regarde l’ensemble de mes tableaux : d’aucuns d’entre eux ne se dégage un « message » unique qu’il soit marchand, social, politique, religieux ou même philosophique.

Ils adoptent un langage qui s’adresse davantage à l’imagination, c’est-à-dire à la faculté de produire des images mentales ou de reconnaître des éléments iconographiques déjà vus. Mais quelque chose dans les tableaux sollicite, en deçà de l’imagination, les sentiments et l’intuition : ce n’est pourtant pas ce que l’on peut y voir, qui semble appréhendable par l’imagination, c’est bien quelque chose au-delà de l’image.

Une chose est sûre : le contraste entre le réalisme formel de ce qui est présenté et l’absence de toute référence contextuelle à notre réalité prosaïque invite le spectateur à chercher la source du sens non pas dans ce que l’image montre, mais dans ce qu’elle ne montre pas. En effet, les lieux symboliques que je mets en scène sont avant tout des espaces mentaux. Ces scènes désolées et mystérieuses, ces lieux éloignés de pouvoir – puisque nous y sommes assujettis – sont le cadre, ou plutôt le champ allégorique, dans lesquels les principes de vie et de mort se confrontent et s’embrassent dans une danse fatale qui transcende l’image : soit précédent, soit suivant la scène visible, soit hors- cadre, soit visible par défaut de visibilité, ou encore dans un horizon fuyant, mais toujours suggérée par une esthétique du clair-obscur, la source de cette agonie – du grec agônia, « lutte » – est au-delà de l’image.

Je souhaite que chacun puisse faire l’expérience du Mystère, une expérience de dépouillement absolu.

C’est un sentiment que certains compareront à la foi religieuse, mais celui-ci ne nécessite pas de trouver, seulement de chercher. Il est donc accessible à tous, et surtout à ceux qui doutent. Il peut provoquer le vertige et la terreur, mais laissez entrer ces facteurs d’anéantissement, et le Mystère ouvrira l’univers en vous. Vous ne serez plus jamais seuls.

Vivien Racault, extrait du catalogue d’exposition « Mystères »